du 15 au 19 avril 2017
Au printemps 2017, pendant le week-end de Pâques, je suis allé marcher cinq jours tout autour de Paris, sans franchir le Périphérique, avec mon camarade d'aventure Aloyse.
Quelques jours plus tôt, j'avais écrit à une dizaine de copains que je savais – ou que je croyais savoir – vivre en banlieue. En fonction de leurs disponibilités, j'avais établi un itinéraire, avec un certain nombre d'étapes, et des temps de marche de l'une à l'autre allant de 5 à 7 heures, d'après Google Map. La plupart des amis banlieusards vivent près de Paris, là où l'on peut se rendre en métro. Le trajet prévisionnel, de la Défense à la Défense, dessinait une fleur, avec de grands pétales, et des détours plus ou moins arbitraires, motivés par des on-dits, des curiosités sur la carte, l'étrangeté d'un nom propre, des réminiscences de paroles de rap des années 90.
Je n'ai jamais vécu à Paris. Je connais très mal ses banlieues. En 2014, dans le cadre d'une nomination à un prix littéraire d'Île-de-France, je suis intervenu dans des lycées et des villes très différentes du département des Hauts-de-Seine. En cherchant comment me rendre à Clamart, un soir, depuis Saint-Germain-en-Laye, Google Map m'a proposé par erreur l'itinéraire piéton, et je me suis émerveillé de cette aventure entièrement urbaine de près de 30 kilomètres de long.
Je crois qu'il y a un livre à écrire sur ces routes, ou peut-être juste une histoire. J'ai envisagé ce premier tour comme une expérience, un tour de chauffe, une façon de tâter le terrain, de toucher, de humer.
En marchant, on a croisé beaucoup d'affiches électorales. Je me suis souvenu que deux quinquennats plus tôt, en 2007, je voyageais en Amérique du sud. J'étais sur une toute petite île amazonienne le soir où Sarkozy a été élu, avec mon copain Noel, son surf, nos hamacs, pas d’électricité. J'étais souvent seul au cours de cette vadrouille ; c'est à cette époque que j'ai commencé à prendre des notes, pour me tenir à moi-même compagnie.
J'ai très peu documenté ce voyage-ci, quelques listes de villes traversées seulement. J'ai laissé Aloyse prendre les photos. Presque deux mois ont passé et je vais essayer, un jour après l'autre, de raconter ce périple de mémoire.
La veille du départ, pour faire le point, on est allé boire des Jupiler en happy hour dans un bar rebeu du 13ème, puis Aloyse m'a emmené dans un italien chic de la rue Broca. On a pris un escalier qui descendait, en plein trottoir, pour se retrouver dans cette rue un peu cachée. Ce n'est qu'en ressortant du court tunnel, éclairé aux leds change-couleur pour empêcher les clochards de dormir, que j'ai reconnu les lieux, décrits soigneusement dans la préface du livre de contes de Pierre Gripari. J'ai pensé à Bachir, à Nadia, à Papa Saïd et aux sorcières de l'après-guerre. J'y ai vu un bon signe à l'heure de lever les voiles.